17mar. 2021

LES COLLEUSES

J'ai ouvert les volets à 7h, hier matin. Elles étaient 4 femmes en train de coller. Il y avait du vent et il faisait froid. Mes volets ont fait du bruit, elles se sont retournées. Mon coeur s'est serré, j'ai voulu leur dire bonjour mais les mots sont restés coincés au fond de moi. Alors, j'ai secoué ma main pour les saluer. Elles n'ont pas répondu.
À 16h, j'ai entendu mon fils et ses ami-es rentrer du collège. Ils étaient 4 garcons et 2 filles en train de discuter devant le collage :
- T'as vu, c'est quoi ?
- C'est Les Colleuses, je les ai vues le week-end dernier au village féministe à La Grave.
- C'est pour dénoncer les feminicides !
- Ha, ouais !!!
Je les regardais de ma fenêtre. Un agent sécurité qui controlait les voitures stationnées s'est approché d'eux et ils se sont tous mis à discuter des Colleuses, comme de vieilles copines du quartier. Les larmes me sont montées, j'étais heureuse de les entendre chahuter devant le mur. Je les ai salués de la main. Le soleil s'était levé.
J'ai ouvert les volets à 7h15 ce matin. Ils étaient 2 hommes en train de nettoyer le mur au Karcher. Il pleuvait, le vent s'était posé. Mes volets ont fait du bruit, ils se sont retournés. J'ai refermé la fenêtre et j'ai pensé que la durée de vie d'un cri de Colleuses de mon quartier était de 24 h.
 
Mon coeur s'est serré, j'ai reculé, la nuit venait de retomber.